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La revanche des oiseaux
Julie C. Fortier
La voie du parfum est, dans nombre de cultures, le moyen privilégié de communiquer avec le divin. D’objet sacré, le parfum est devenu aujourd’hui simple parure, le délestant de sa fonction originelle pour rejoindre les autres attributs des animaux et de la nature – poils, plumes, métaux précieux – que l’être humain s’approprie pour se parer, comme autant de manières d’inscrire le paysage sur le corps. Dans La revanche des oiseaux, Julie C. Fortier propose de revisiter quatre gestes associés au divin, présents de façon plus ou moins consciente et ritualisée dans notre quotidien : l’ablution, l’onction, la fumigation et le sacrifice. À travers quatre installations porteuses d’odeurs spécialement conçues pour Rurart, elle interroge directement cette relation entre parure et paysage :
« Les odeurs sont vectrices d’images et de non-dits liés à notre mémoire individuelle et collective. Elles peuvent nous affecter, modifier notre conscience du présent et de notre passé pour offrir une expérience à la fois critique et sensuelle des formes plastiques exposées. »
Ce que j’ai volé au soleil
2019, crème parfumée pour les mains, flacon pompe en verre, disque de porcelaine, parfum.
L’onction est un revêtement qui met à part . Ici la crème pour les mains est saturée de poudre d’or et de parfum, rendant visible et perceptible sa fonction d’écran. A la manière de Midas qui ne pouvait plus se nourrir car tout ce qu’il touchait se transformait en or, le spectateur développe une hyperconscience de ses propres mains qui les sépare presque de son corps. Elle interroge la possibilité ou l’impossibilité de toucher ce qui nous entoure et des conséquences que cela implique.
La chute
2019, sculpture olfactive, 373 perles de porcelaine et verre soufflé bouche de 3 à 26 cm de diamètre, corde de coton, fermoir en argent massif, parfum, 70 x 350 cm.
Comment réintégrer la parure au paysage? Ici le collier de perles est surdimensionné à l’échelle d’une petite cascade. Figé dans sa chute ou érigé comme un totem, il diffuse dans l’espace une odeur de sous-bois humide rehaussé d’effluves sacrées d’encens et de sauge. L’odeur rend perceptible cet emprunt que nous faisons à la nature et aux animaux pour nous parer comme autant de manière d’inscrire le paysage sur nos corps.
La revanche des oiseaux
2019, installation olfactive, 25 000 touches à parfum noires, parfum, 1100 x 500 cm.
Les fumées sacrificielles étaient offertes aux dieux pour les nourrir ou pour entrer en communication avec eux. Elles étaient aussi destinées à purifier les corps et les espaces lors de rituels de guérison. Cette installation olfactive composée de millier de touches à parfums noires figure des poils, des plumes, une nuée, des volutes de fumée ou encore un murmure d’étourneaux. Les touches diffusent dans l’espace une odeur de fumée aromatique composée d’ingrédients traditionnellement utilisé lors de rites de fumigation tel que le tabac, la sauge, le cèdre, le foin d’odeur et l’encens.
Le témoin
2019, installation olfactive, 9 trous 9 projeciles de porcelaine, 2 parfums.
« Je me souviens de la forte impression d’une œuvre de Jimmie Durham exposée au Musée d’art moderne de la ville de Paris. Il s’agissait d’une tranche d’arbre imposant dans lequel étaient fichées des balles de fusil datant de la seconde guerre mondiale. Je me suis demandée si ces balles avaient aussi traversé des hommes et si du sang s’était mélangé à la sève. »
28. 03. 2019
23. 06. 2019
Affiche de l’exposition
Et pour aller plus loin…
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