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C’est arrivé demain, le retour
Trois auteurs-dessinateurs, trois albums, quatre créateurs numériques.
L’exposition se fonde sur quatre ouvrages dont sont extraits quelques axes significatifs, définis en accord avec les auteurs. C’est donc l’occasion de découvrir quatre univers graphiques et narratifs, trois spécifiquement inscrits dans la science-fiction, un nous ramenant à la réalité de la conquête spatiale avec l’expérience de Thomas Pesquet à bord de l’ISS racontée par Marion Montaigne.
Cinq acteurs du numérique viennent dialoguer avec les quatre ouvrages de bande dessinée. Artistes, entreprise, laboratoire de recherche, ils sont tous très divers et complémentaires dans leurs approches respectives. Dans tous les cas, c’est leur dimension créative, leur capacité à diverger de leurs pratiques habituelles qui les a fait participer à ce projet. Chacun de ces « couples auteurs/créateurs, occupe un module de l’exposition.
Marion Montaigne, Dans la combi de Thomas Pesquet, Éditions Dargaud, 2017. Nyktalop Mélodie, Institut de recherche Xlim.
Avec Dans la combi de Thomas Pesquet, Marion Montaigne se rend sur le terrain pour suivre la préparation du futur célèbre spationaute français. Les pages de cet album sont d’une densité nouvelle en termes d’idées graphiques, le plus souvent sur le ton de l’humour.
Créateurs visuels et sonores hybridant techniques anciennes et nouvelles technologie et Institut de recherche pluridisciplinaire fédérant plus de 450 enseignants de l’Université de Poitiers, Nyktalop Mélodie et le laboratoire de recherché XLIM invitent le visiteur à découvrir la désormais célèbre BD de Marion Montaigne, Dans la Combi de Thomas Pesquet, au moyen de trois expériences qui décomposent le récit. Ces expériences sont vécues au cœur d’un module qui rappelle le capharnaüm high-tech et vintage de l’intérieur de la station spatiale internationale. Enfin, dans une vidéo de l’Agence spatiale européenne, Thomas Pesquet fait visiter la station. De cet ensemble hétéroclite, mêlant techniques numériques et artisanat d’art, il se dégage une distance amusée sur la réalité terre à terre et finalement assez peu romanesque de la conquête spatiale aujourd’hui que raconte merveilleusement Marion Montaigne.
Denis Bajram, Universal War One (Tome 1), Éditions Quadrants solaires, 1998 / Studio Nyx
Le futur chez Denis Bajram semble tiraillé entre emprise catholique et rationalité. Sa saga Universal War déploie le récit des trois premières guerres universelles. Au cœur de l’écriture résonne cette question lancinante : l’humanité sera-t-elle capable de surmonter sa soif de conquête sans s’anéantir ? Denis Bajram se distingue par son approche graphique. Précurseur du dessin assisté par ordinateur, il innove dans son approche de la couleur. Les effets spéciaux, alors inédits, participent à installer son univers. À partir du cinquième épisode, le dessin et l’encrage seront eux-mêmes réalisés à la palette graphique. Cette ultime transition parachève la naissance d’une imagerie singulière, entre un Kubrick par sa démesure métaphysique et un Lucas pour la fluidité de ses ballets de vaisseaux spatiaux.
Les créateurs de Studio Nyx, Société spécialisée dans la réalité virtuelle à Angoulême, se sont montrés enthousiastes à l’idée de travailler sur Universal War I, série culte de Denis Bajram, dont ils sont des fans de la première heure. Ils ont imaginé une expérience de réalité virtuelle sous casque, impressionnante bande annonce du premier tome de la bande dessinée de Bajram. Médusé, le spectateur vole à bord d’un vaisseau de guerre au-delà de la lune, à découvre la beauté de Saturne ou à s’époustoufle devant le gigantisme d’un navire-amiral de la flotte Terres unies. Il est finalement précipité dans le Mur, menaçante sphère noire qui clôt ce voyage entre gaming et cinéma de demain.
Beb-deum, Mondiale TM. Texte d’Alain Damasio, Les Impressions Nouvelles, 2017 / Philippe Boisnard
Beb-deum démarre sa carrière au début des années 1980 dans le magazine Métal Hurlant. Rapidement,l’auteur complète sa pratique de la bande dessinée avec des illustrations de commande. L’artiste fait alors évoluer son esthétique vers un rendu encore plus léché qu’encourage sa découverte des outils numériques. Une perfection dérangeante vient à se cristalliser, imprimant un sentiment d’inhumanité parfois proche de l’image publicitaire. Mais ce nouvel outil accentue la recherche des contrastes et des contraires, pour finalement pervertir un sentiment factice de perfection. Le monde de Bed-deum anticipe désormais une post-humanité qui porterait en elle en les intégrant les signes et les conséquences de la modernité. Les enfants composites d’une révolution numérique où fusionneraient le corps et le monde.
“Les documents reçus, aussi parcellaires et endommagés soient -ils, nous donnent en effet un accès vertigineux à l’évolution de l’espèce humaine sur les trente prochaines années. Un phénomène majeur va y survenir : la fabrique et la commercialisation de corps de culture de corps humains vivants, intelligents et sensibles, généralement désignés autour de la figure attractive du métis”
C’est cette prophétie annoncée par Alain Damasio que l’on découvre dans les projections conçues par Philippe Boisnard, qui font s’animer ces images récupérées de corps-marchandises (…) révélés par les fascinants dessins numériques de Beb-deum dans Mondiale TM.
Artiste numérique, écrivain, Philippe Boisnard interroge la constitution de l’homme à travers la matérialité des codes et et des représentations liées aux dimensions politiques, sociales ou économiques. Ici, il crée, en collaboration avec Beb-deum, une installation fondée sur la programmation.